Portraits miniatures civils et militaires.
Ainsi que le rappelle Nathalie Lemoine-Bouchard, le mot « miniature » apparaît en français vers le milieu du XVIIe siècle. Pour autant, dans le langage courant, son emploi n’a jamais été strictement défini. Aussi, bien souvent, des œuvres de petit format, peintes à l’huile, ont pu être désignées – non sans raison – comme des miniatures, des émaux, des peintures sur porcelaine également.
Les supports de la miniature sont éminemment multiples à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles. Parmi ceux-ci, citons le vélin – autrement dit, une peau de veau mort-né –, l’ivoire bien entendu, le papier, voire le carton fort. Tous ces supports font l’objet de préparations différenciées, mais tous sont peints à la gouache et à l’aquarelle.
Aujourd’hui, le portrait en miniature fait l’objet d’un regain d’intérêt pour sa qualité intrinsèque tout autant que pour les fonctions et usages qu’il met en lumière. Autonome ou décliné sur différents objets, boîtes, tabatières, étuis, bijoux, il était donné lors d’événements particuliers, échangé entre amis. On le transportait aisément avec soi, ou même sur soi. Au demeurant, quelle que soit la technique utilisée, la fonction première de ce type de portrait était de conserver la mémoire de l’être cher.
Bien souvent, l’identité des modèles représentés sur les portraits en miniature et en émail n’est plus connue de nos jours. Dès lors, en l’absence de toute inscription fiable sur l’objet, une grande partie des recherches – outre l’attribution à un artiste et la datation – consiste à tenter l’identification du personnage représenté. La tâche n’est pas toujours possible, d’autant que les modèles ne sont pas tous passés à la postérité ; mais c’est là tout le plaisir du collectionneur !
Laissons conclure Thierry Jaegy-Theoleyre, grand collectionneur français de portraits miniatures :
Ne regardez pas d’un oeil distrait tous ces hommes et ces femmes qui vous interpellent de leurs petits cadres, mais plongez dans ces portraits, voyez cette étincelle dans les regards, ce sourire qui se contient pour mieux irradier tous ces visages … Tous ont quelque chose à vous dire – à vous murmurer plutôt – car c’est au creux de l’oreille qu’une miniature vous chuchote ses secrets.
A présent, venez rencontrer quelques-un(e)s de mes ami(e)s …
Lieutenant d’un régiment d’infanterie de ligne (Royal-Marine, Royal Roussillon, Navarre ou Armagnac ?). Portrait miniature sur ivoire, années 1780.
Capitaine du 9ème régiment de cavalerie. Portrait miniature sur ivoire, vers 1791-1792.
L’uniforme de cet officier est conforme au règlement édicté le 1er janvier 1791. Anciennement Artois-Cavalerie, l’unité prit le 9ème rang de l’arme à cette date.
Capitaine du 100ème ou 103ème régiment d’infanterie de ligne. Portrait miniature sur ivoire, vers 1810.
Revêtu de l’inévitable habit-surtout – prisé des officiers de tous grades – notre homme est titulaire de la Légion d’honneur, dont il arbore fièrement une « Croix » du 2ème ou du 3ème type. A partir d’avril 1806, fut en effet ajoutée une couronne à palmettes (2ème type), puis à fleurons (sur les 3ème et 4ème types), formant la bélière. Cependant, le petit format de cette représentation nous empêche de trancher.
Chef de bataillon d’un régiment d’infanterie de ligne, vers 1804-1806.
Notre officier a ouvert son habit-surtout, révélant un gilet à double rangée de boutons, typique de la période consulaire et des débuts de l’Empire. Il est également décoré de la croix de Saint-Louis, détail sans doute rajouté postérieurement sur la miniature. Comme son collègue présenté ci-dessus, il ne porte pas de hausse-col. Au regard de ses épaulettes à gros bouillons, il est fort probable que nous ayons affaire à un chef de bataillon.
Mes remerciements au Docteur Eckhard M. Theewen pour l’aide apportée dans l’identification de cet officier.
Portrait de femme. Miniature, années 1780.
Au regard de son style résolument naïf, il est vraisemblable que ce portrait de petites dimensions soit l’oeuvre d’un artiste itinérant.
Portrait de femme. Miniature sur ivoire, années 1780.
Mademoiselle Brutinel, deuxième femme de Monsieur De Rose. Portrait sur ivoire, vers 1810-1812.
Cette jeune femme, sur laquelle nous ne disposons d’aucune information biographique, est coiffée « à la Titus ». Sa robe, à manches dites « ballons », est typique de la mode du 1er Empire.
Emilie Leverd, membre de l’Académie Impériale de Musique. Portrait miniature sur ivoire, vers 1808.
Des miniatures, mais pas seulement.
Il ne faudrait guère considérer que la production de la fin du XVIIIe-début XIXe siècle se limita exclusivement à l’art du portrait en miniature. Voici désormais quelques exemples de portraits de petit format – mais non pas « miniatures » – sur papier ou carton. Au vrai, ces quelques exemples démontrent la place croissante que jouait alors la visibilité du quotidien dans les phénomènes de reconnaissance sociale.
Jeune noble. Portrait au crayon et à la pierre noire, années 1780.
Notre homme demeure, certes, anonyme, mais notez l’art avec lequel il a noué sa cravate …
Jeune femme. Portrait au pastel, fin des années 1780-années 1790.
Jacques-François Pétineau, maire de Jouy-en-Josas. Portrait au crayon, pierre noire et rehauts de craie blanche par W. Gottlieb, vers 1810-1815.
Bourgeois en redingote. Portrait à la sanguine et au fusain, 1810.
Alexandre Guy Charles de Lavau. Portrait à l’encre sur papier, vers 1818-1820.
Ici représenté en uniforme des gardes du corps à pied du Roi, Lavau naquit à Machecoul le 1er novembre 1789. Il entra dans la 1ère compagnie de mousquetaires de la Maison du Roi le 1er juillet 1814. L’année suivante, il accompagna Louis XVIII dans sa fuite à Gand et eut une cuisse cassée d’un coup de pied de cheval, près d’Ath.
Bibliographie.
- Du Pasquier, Jacqueline, La miniature, portrait de l’intimité, Norma Editions, 2010.
- Lemoine-Bouchard, Nathalie, Les peintres en miniature actifs en France, 1650-1850, Editions de l’Amateur, 2008.