Jean-Baptiste Juvénal Corbineau, un inconnu illustre – Partie 3 (1813-1815)

Cet article fait suite à une première partie dédiée à la période 1776-1803 et à une deuxième portant sur la période 1804-1812. 

Des missions protéiformes, sur le front comme « à l’arrière » (1813).

Aide de camp de l’Empereur (26 janvier).
Portrait général Jean-Baptiste Juvénal Corbineau aide de camp Napoléon

Portrait du général de division Jean-Baptiste Juvénal Corbineau, aide de camp de Napoléon – Collection famille De Wissocq, Paris.

Le 9 janvier 1813, la baronne Corbineau écrivit à l’Empereur pour l’informer de la santé défaillante de son époux, « atteint d’une jaunisse considérable » et solliciter, à ce titre, « un congé qui le mette à portée de rétablir sa santé et de faire la campagne prochaine avec le même zèle qu’il a toujours eu pour le service de Sa Majesté » (1). Du temps pour se rétablir, le général en aurait en vérité bien peu ; d’autant moins que le 26 janvier, un décret nommait aides de camp de l’Empereur les généraux de brigade Drouot, Flahaut et … Corbineau. De fait, une simple signature de Napoléon propulsait l’homme du gué de la Bérézina à « un poste de toute confiance et d’un entier dévouement », au sein d’un cercle fermé d’hommes exceptionnels (2). Courageux et intrépides, les aides de camp de Napoléon se montraient en effet rompus à la vie militaire. Si, en campagne, ils étaient chargés de veiller au bien-être de la figure impériale, leurs fonctions excédaient assurément les attributions d’un aide de camp conventionnel. Ces officiers supérieurs – à de rares exceptions près, tous étaient généraux ‒ pouvaient ainsi servir de garde rapprochée, agir telles des éminences grises mais également assurer des commandements, en chefs de guerre avisés. De sa prestation de serment – le 7 février 1813 ‒ à la chute de l’Empire, Jean-Baptiste Juvénal Corbineau assuma précisément l’intégralité de ces missions.

Les yeux et les oreilles du maître (fin mars).
Gravure dragons à l'écurie Aaron Martinet

Dragon en tenue de pansage – Gravure aquarellée d’Aaron Martinet. L’armée impériale recourut au système de la remonte, consistant en des achats et réquisitions d’animaux.

En cet hiver 1813, Napoléon faisait flèche de tout bois afin de reconstituer une nouvelle Grande Armée, la précédente ayant disparu corps et biens en Russie quelques mois auparavant. La remonte de la cavalerie se trouvait au cœur de ses préoccupations. Moins de 10000 chevaux étaient en effet rentrés des steppes russes. Or, selon les rapports produits par l’administration impériale entre la fin décembre 1812 et la fin février 1813, rassembler près de 73000 chevaux de selle et pas moins de 52000 de trait formait la condition sine qua non pour reconstituer un outil militaire performant et compétitif face à une Europe encline à prendre de nouveau les armes contre l’Empire français (3). Le 26 mars, Napoléon ordonna justement à ses aides de camp Corbineau, Dejean et Flahaut, ainsi qu’au général Préval ‒ un génial administrateur, au dire de ses contemporains ‒ d’inspecter la cinquantaine de dépôts de cavalerie répartis sur le territoire français. Au regard de l’ampleur de la tâche, chacun devait ainsi parcourir une douzaine d’entre eux.

Délégués du maître, ces quatre généraux étaient – peu ou prou ‒ appelés à devenir « ses yeux et ses oreilles ». Au demeurant, Napoléon leur recommandait d’être tout particulièrement sensibles aux effectifs présents dans les dépôts, tant en hommes qu’en montures. Ses requêtes informatives concernaient également l’état de l’habillement, de l’armement et de l’équipement des troupes prêtes à rejoindre les escadrons de guerre. En outre, l’Empereur attendait de ses envoyés qu’ils nommassent les sous-officiers aux postes vacants et, plus encore, qu’ils lui fournissent « un compte détaillé des cadres qui se trouvent aux régiments ». Enfin, il leur confiait l’inspection de « tous les équipages militaires qui s’organisent dans les divisions » (4), mission colossale s’il en était. Quoique les rapports expédiés par Corbineau à l’Empereur demeurent inconnus, sans doute l’aide de camp se montra-t-il rassurant sur l’état de la remonte. Le plan développé depuis janvier 1813 se révélait en effet couronné de succès, puisqu’en cette fin de printemps, les dépôts militaires avaient déjà réceptionné près de 90000 chevaux (5).

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