Au tournant des XXe et XXIe siècles, l’uniformologie se trouve dans une situation ambivalente. Elle a en effet perdu nombre de ses plus illustres représentants, parmi lesquels les Maîtres Rousselot (en 1992), Lelièpvre (en 2013) et Frégier (en 2014). Néanmoins, leurs élèves/successeurs sont arrivés à maturité et une nouvelle génération prometteuse se révèle. Plus encore, la recherche uniformologique a atteint un degré de scientificité qui n’a rien à envier aux autres branches de l’histoire du costume. Dans ce contexte, de nouvelles sources ont été découvertes, tandis que d’autres ont été réétudiées à nouveaux frais. Enfin, le rôle de l’informatique et du numérique ne saurait être négligé, puisqu’il a assuré un renforcement des synergies entre chercheurs. En outre, le dessin vectoriel – mieux connu sous le vocable d’« infographie » ‒ offre aux uniformologues une nouvelle opportunité pour « mettre en image » le fruit de leurs découvertes.
L’uniformologie, une discipline mondialisée.
Moins d’une vingtaine d’illustrateurs-historiens officie actuellement à travers le monde. Les parcours de quelques-uns sont ici retracés en suivant une logique géographique.
Membre fondateur de la « compagnie de réserve de la Dyle », Bernard Coppens est l’un des pionniers de la reconstitution historique en Belgique : de concert avec quelques autres passionnés, il est parvenu à faire revivre cette « garde prétorienne » des préfets de l’Empire. Son expérience d’« historien vivant » influence indéniablement son approche de l’illustration uniformologique. Non seulement elle lui permet d’appréhender la confection des uniformes, mais aussi de saisir la place occupée par un homme de troupe dans une unité militaire. Ces enseignements se traduisent par la publication, entamée en 1984, d’une série de planches intitulée Les armées de Waterloo (1). Présentée sous forme de soldats de carte, elle innove en donnant une place centrale à l’unité. Quant au soldat, il n’en est qu’une constituante, un élément dépourvu d’indépendance. Bernard Coppens a depuis illustré de nombreux ouvrages, tout en s’affirmant comme un spécialiste de la bataille de Waterloo.

Tirailleur fédéré de Paris, printemps 1815. Aquarelle originale de Bernard Coppens. Ce dernier s’est appuyé sur un arrêté du ministre de l’Intérieur pour réaliser cette représentation. Au regard de l’enchaînement des événements, il est probable que cet uniforme fut très peu porté.
Surtout, il s’est intéressé à des unités rarement étudiées, voire méconnues : compagnies de réserve, guides des armées, régiments étrangers au service de l’Empire, pour ne citer que quelques exemples. Réalisées à l’aide d’encres et d’aquarelle, ses œuvres se caractérisent par un grand souci du détail, ce qui fit écrire à Edward Ryan que « les planches de soldats publiées ces dernières années par Bernard Coppens comptent parmi les plus belles productions de tous les temps » (2).
Quant à Patrice Courcelle, il a commencé sa carrière en illustrant la série Soldats et Uniformes du 1er Empire, initiée par le docteur Hourtoulle. Au début des années 1980, il auto-édite une série de 25 planches consacrée aux armées ennemies de Napoléon : Ceux qui bravaient l’Aigle. Succès immédiat. Patrice Courcelle rédige alors des dizaines d’articles pour des revues spécialisées belges, françaises et britanniques. Il se spécialise également dans la réalisation d’œuvres ayant trait à la bataille de Waterloo et collabore avec Bernard Coppens pour produire Les Carnets de la Campagne, publiés aux Editions de la Belle Alliance.

Cavalier du 2e régiment de hussards à la bataille d’Austerlitz, 2 décembre 1805. Oeuvre originale de Patrice Courcelle, fondée sur une représentation contemporaine due au colonel Barbier.
Il devient l’un des illustrateurs d’Osprey Publishing à la fin des années 1990 et a depuis collaboré à près de 25 titres de cet éditeur installé à Oxford. Enfin, il est l’un des rares artistes-historiens contemporains à illustrer l’émigration en armes (3), sujet méconnu s’il en est et sur lequel d’importants travaux de recherche restent à accomplir.