Jean-Baptiste Juvénal Corbineau, un inconnu illustre – Partie 4 (1816-1848, et au-delà)

Quinze années difficiles (1816-1830).

 Une infructueuse « entrée en politique » (1819-1820).

Les Bourbons une seconde fois restaurés, Jean-Baptiste Juvénal Corbineau dut, à l’instar de nombreux officiers généraux, se réadapter à la vie civile. Force est de constater qu’il ne resta guère inactif, comme spectateur des événements. Au contraire, il entra rapidement en politique. De fait, il rejoignit les rangs d’une opposition en cours de constitution agrégeant – dans une nébuleuse aux contours encore flous ‒ indépendants, bonapartistes, libéraux et orléanistes. En 1819, Jean-Baptiste Juvénal se présenta à la députation : il allait devoir mener campagne, conduire une véritable bataille politique. Or, dans ce domaine, le général se révélait novice. Néanmoins, dans un contexte où l’opinion publique était redevenue sensible à l’idée de « Grande Nation », « être un général d’Empire n’était pas un handicap, mais pouvait, à l’inverse, devenir un substantiel avantage » (1). Le général reçut d’ailleurs le soutien du Guide électoral, un ouvrage d’obédience libérale. Certes, si ses auteurs assuraient « ne répondre de qui que ce soit », ils recommandaient implicitement aux électeurs « quelques hommes dont la vie passée paraît être une garantie pour l’avenir » (2). Aussi, au même titre que d’autres ex-officiers de l’armée impériale, Jean-Baptiste Juvénal Corbineau eut-il les honneurs d’une élogieuse notice de quelques lignes. Fruit d’une « remise en ordre biographique » de bon aloi, elle était rédigée comme suit : « Corbineau (Jean-Baptiste Juvénal) est d’une race militaire, quoiqu’il ne porte pas les épaules élevées, selon le système de Chateaubriand. Il a fait les campagnes d’Allemagne et d’Espagne, et a combattu à Waterloo. Il a porté dans la vie privée de nobles souvenirs, et l’estime de lui-même. Le général Corbineau n’a trahi ni son pays, ni son bienfaiteur » (3). En dépit de cette faltteuse présentation, retrouver une quelconque trace de l’implication de Jean-Baptiste Juvénal dans les élections de 1820 s’est révélé impossible. Est-ce à dire que sa candidature ne fut guère validée par les autorités préfectorales, ou qu’il ne parvint pas à réunir les fonds nécessaires à la bonne marche de sa campagne ?

La tentation carbonariste (1818-1822).

Si ses velléités de lutte, par la voie des urnes, contre le régime bourbonien furent réduites à néant, Corbineau n’abandonna pas pour autant le combat. Contrairement à son collègue Foy, il ne renonça pas à la « politique de l’ombre ». Dès 1818, il avait intégré les « Amis de la liberté de la presse », une société regroupant une soixantaine d’individus cooptés – hommes de lettres, ex-officiers de l’Empire, acteurs de la Révolution et des Cent-Jours ‒, se réunissant le plus souvent chez La Fayette, « sorte de centre où venaient se rencontrer tous les projets de résistance, quelque divers qu’ils fussent ». Elle était en outre dotée d’un comité directeur de douze membres correspondant avec les provinces et dont les attributions nourrirent fantasmes et craintes irrationnelles chez les royalistes « ultras ». Au cours de l’été 1820, de nombreux membres des « Amis de la liberté de la presse » rejoignirent la haute-vente de la Charbonnerie. Apparu à Naples en 1809, le carbonarisme s’était répandu en France à compter de 1818. Rassemblant républicains, bonapartistes et – plus largement – des opposants à la monarchie restaurée, cette société secrète visait, par le biais de complots fomentés en province, au renversement du régime des Bourbons. Quoique étroitement surveillé par les indicateurs de la police, Jean-Baptiste Juvénal présentait le profil d’un participant de second rang au sein de la haute vente. Son expertise quant aux questions militaires était néanmoins des plus appréciées. Frappée en son sein par une vague d’arrestations ainsi que par la condamnation à mort de plusieurs de ses membres, la charbonnerie fut décapitée en 1822 ; ces événements mirent assurément un terme à l’activisme politique du général Corbineau.

Les tracas d’un vétéran de la Grande Armée (1820-1825).

Exilé sur l’île de Sainte-Hélène, Napoléon décéda le 5 mai 1821. Ses ultimes écrits furent d’une part, son testament olographe, d’autre part, les codicilles, rédigés et signés entre le 15 et le 29 avril. Quelques temps avant sa mort, Napoléon s’était alarmé du fait que Jean-Baptiste Juvénal Corbineau appartenait « à une famille de braves, mais qu’il était sans fortune ». Qu’à cela ne tienne : la rédaction de son testament offrit à l’Empereur déchu l’occasion de récompenser ses « plus fidèles serviteurs ». Et de fait, Napoléon légua – via le 6e codicille du 24 avril ‒ 50000 francs à chacun de ses aides de camp Hogendorp, Caffarelli, Dejean et Corbineau, somme à prélever sur les deux millions issus de la liquidation de la liste civile d’Italie. A charge pour Eugène de Beauharnais de remettre lesdites sommes aux ayants droit. Or, jusqu’à sa mort le 21 février 1824, ce dernier demeura absolument inflexible. Lire la suite